La galère orque
LA
PEUR. LE FROID. LA DOULEUR. LA FAIM. Mon corps lessivé me picotait et me lançait. Malgré la douleur et la
fatigue, je percevais un vacarme assourdissant. Alors que j’aurais préféré les
ignorer et m’échapper dans une douce rêverie, les bruits s’intensifiaient. Je
percevais le cliquetis des armes, des rugissements, des hurlements d’agonie. Je
respirais l’odeur du sang fraîchement versé. M’efforçant d’ouvrir les
paupières, je m’aperçus que j’étais allongé sur un sol jonché de paille dans
une cabine obscure. Je tentais de me déplacer, mais ma cheville gauche était
solidement attachée à une lourde manille en métal, elle-même fixée à une chaîne
liée à une fer fichée dans le mur. J’étais donc prisonnier ?
À la lisière de mon
champ de vision, je vis un grand orc en armure de cuir accourir en brandissant
un sabre recourbé. Et deux secondes plus tard, son corps ensanglanté s’écrouler
à terre. Le tueur d’orc, un humain en armure, s’avança vers le corps gisant au
sol et, prudemment, acheva l’orc, faisant glisser une courte lance à travers le
torse.
« Visiblement,
c’est le dernier ! » hurla-t-il à quelqu’un au loin qui lui répondit
d’une voix grinçante :
« Parfait ! »
Libère les prisonniers et transporte-les sur notre vaisseau ! Cette galère
orque va bientôt se fracasser contre les falaises! »
J’allais être
libéré ! À peine eussé-je le temps de souffler que l’immense soldat tourna
les talons pour m’examiner, afficha une mine dégoûtée et me transperça avec sa
lance !
*
* *
L’obscurité revint. Je gisais là, totalement éberlué,
peinant à comprendre ce qui venait de se produire. Cet homme venait de me tuer,
disons plutôt de m’infliger de sérieuses blessures, alors qu’il était censé me
secourir ! Pourquoi ?
Une voix intérieure
me souffla que tout ceci était prévisible. Déjà, les gobelins avaient un malus
de -20 à la réaction des humains, et en plus, j’étais dépourvu de tout
charisme. C’était donc la réaction à prévoir devant un humain, un elfe ou un
nain.
La douleur se
raviva, et j’ouvris les yeux. Je voyais le monde en rouge et noir. Comme avant,
j’étais étendu sur de la vieille paille moisie, cette fois-ci trempée d’un sang
épais et foncé. Mon sang.
+1 PV de la
Régénération
La blessure à
l’estomac infligée par la lance était presque guérie, mais ma jauge de vie, 3
sur 21, clignotait dangereusement. À vrai dire, j’ignorais que les Gobelins
pouvaient régénérer leurs points de vie. Pourquoi n’était-ce nulle part
dans les guides ? La régénération était peut-être un ajout récent pour
rendre ce peuple plus jouable. N’empêche que... je souffrais le martyre avec ma
blessure à l’estomac ! Et avouons-le, mourir était fort déplaisant, même
dans un jeu.
Ce que j’aurais pu
faire par la suite, je l’ignore, car un rat me fonça dessus sans crier gare en
se faufilant sous les barreaux de bois de la cellule.
Rat niveau 1
La petite créature
suivait la piste grâce à son flair, l’air inquisiteur, envoûtée par les exhalaisons
enivrantes du sang. Je bougeais à peine pour replier la jambe droite et le rat
fit volte-face sans pour autant détaler. Il prit plutôt le temps de m’observer.
En plus, il semblait éprouver un intérêt grandissant pour mes propriétés
gustatives. Si j’avais été en parfaite santé, tuer ce genre de créature aurait
été à ma portée. Dans le cas présent, il ne me restait plus que trois
malheureux points de vie... Il allait me dévorer tout cru !
Visiblement, la
créature tira la même conclusion que moi et fonça dans ma direction. La suite,
ni moi ni le rat n’aurions pu l’anticiper :
Dégâts
infligés : 10 (Morsure vampirique)
Points de vie
restaurés : +5 PV
Gain
d’expérience : 8 XP
Objet obtenu :
Viande de rat (aliment)
Réussite
débloquée : Goûteur (1/1000)
Capacité de peuple débloquée : Le goût du sang
(octroie +1 % à tous les dégâts infligés par créature unique tuée avec
Morsure vampirique. Bonus actuel : 1 %)
Paramètre
débloqué : Étancher la soif (10/15)
Je m’assis quelques
secondes, me délectant de l’infâme sang de rat, digérant les événements dans
tous les sens du terme. Étais-je un vampire ? J’ouvris le menu de mon
personnage pour en avoir le cœur net, et la réponse ne laissait planer aucun
doute :
Peuple :
Gobelin vampire
Heureusement, on
pouvait cacher le second terme du peuple en cochant la case d’une rubrique
spéciale intitulée « Masquer pour les autres joueurs. » Je lus la
description du peuple vampire, remerciant le ciel et les développeurs d’avoir
permis cette dissimulation :
-50 de pénalité à
la réaction de tout peuple vivant si révélé
Pénalité :
Cible légitime à abattre pour les joueurs et PNJ de peuples vivants si révélé
Pénalité : Ne
peut pas cacher sa véritable nature dans l’état Soif de sang
Pénalité :
Mort instantanée si frappé par la lumière du jour
J’étais dans de
beaux draps... Dorénavant, ma priorité serait de préserver ce secret. Tout ceci
n’était pas non plus dépourvu d’avantages. Au niveau un, par exemple, un
vampire pouvait obtenir +1 en Régénération de PV par minute et un type
d’attaque bonus (et pour une fois, ce n’était pas spécifique à la main droite
ou gauche) :
Morsure
vampirique
Coût :
10 PE (points d’endurance)
Dégâts : (1-6)
* Force
Points de vie de
l’attaquant restaurés égaux à 50 % des dégâts infligés
En attaquant des cibles endormies, inconscientes ou
paralysées, les chances de succès sont de 100 %, et l’attaquant peut
choisir un effet : (Mort instantanée/Sommeil profond durant
6 heures/Infection par vampirisme)
Je relus la
description de l’attaque. Ça voulait dire que je pouvais tuer n’importe quelle
créature, tous niveaux confondus ? Il suffisait qu’elle dorme, et là, même
les personnages de niveau 100 étaient cuits. Quelle intarissable source de
level-up ! Et je pouvais tout aussi bien le faire sur des joueurs que sur
des PNJ... Un instant ! Je me ravisais. Si j’utilisais cette capacité ne
serait-ce qu’une seule fois à l’encontre d’un joueur, mon secret serait révélé.
Je serais traqué le restant de mes jours, tué sans relâche, juste parce que
c’était admis par le règlement. Et à chaque décès, je souffrirais physiquement
et mes points d’expérience chuteraient. Il me fallait donc garder le secret du
vampirisme.
« Qui est
là ? Je t’entends ! » retentit une voix de l’extérieur de ma
cellule, matérialisant mes pires craintes.
Je sursautais et
essuyais mes lèvres du revers de la main. J’avais besoin de tout sauf d’un
étranger qui verrait du sang sur mon visage.
« Le rat moi
taper. Lui attaquer. Paf-vlan moi taper, » répondis-je.
Sérieux ?! Ce
n’était pas ce que je voulais dire, mais seules ces phrases bancales et hachées
sortaient de la bouche de mon personnage. Tout compte fait, trois points en
intelligence, c’était insuffisant. Je frémis en imaginant la manière dont mon personnage
se serait exprimé avec une stat inférieure.
« Un
rat ? Oui je l’ai vu. Il m’a observé un long moment puis a déguerpi. Tu as
compris comment dégager ton bras de la chaîne ? Je n’ai pas assez de
force. »
Mission
reçue : S’enfuir de la galère des marchands d’esclaves
Classe de
mission : Requise, entraînement
Récompense :
80 XP, accès au monde principal du jeu
« Chaîne moi
sais pas. Moi mal. Homme blesser avec lance. »
De l’autre côté du
mur, j’entendis le gloussement étrange de l’autre joueur.
« Je n’ose même
pas imaginer ton niveau de charisme s’ils ont décidé de te tuer plutôt que de
te libérer. Mais je suis surpris que tu ne sois pas mort. Tous les soldats sont
de niveau vingt-cinq, ils ont les moyens de t’envoyer respawner d’un seul coup.
Les soldats ne m’ont juste pas remarqué. Dès que le massacre a commencé dans la
réserve, j’ai utilisé ma compétence Furtivité et j’ai même réussi à l’augmenter
au niveau deux avant leur départ. Mais je n’ai pas vraiment réfléchi. Ils
m’auraient peut-être libéré avec les autres prisonniers. Ou ils auraient pu
m’envoyer spawner. Dans ces conditions, je n'aurais pas eu à me dépatouiller de
cette chaîne. J’aurais été transporté au point de spawn, sain et sauf. »
Le sang se glaça
dans mes veines. Le lieu de respawn dont il parlait n'était pas visible de mon
point de vue. Et si le seul moyen de libérer des personnages à l'aspect aussi
pathétique que le mien consistait à mourir pour revenir ? Non
impossible ! Il devait y avoir d'autres moyens raisonnables de s'en sortir.
J’examinais la courte chaîne rouillée d'un demi-mètre de long qui me retenait
le bras. Dans un premier temps, je tentais de la fracasser.
Votre personnage
n'a pas assez de Force pour effectuer cette action
Force requise pour
briser la chaîne : 7
Bon, visiblement,
je n’avais pas assez de force. Et si je brisais l’entrave au niveau du
poignet ?
Votre personnage
n'a pas assez d’Agilité pour effectuer cette action
Agilité requise
pour briser la chaîne : 7
Encore un fail.
J'observais attentivement ma main gauche. J'avais le poignet fin. Ma main était
aussi fine, mais j'avais un pouce protubérant sur le côté qui m'empêchait de
m'extraire des menottes. Et si... L'idée de ronger mon propre pouce paraissait
tout à fait barbare, mais je ne la chassais pas d'emblée. J'avais la
Régénération, et le pouce finirait par repousser bien assez tôt. Un vrai
Gobelin est-il au-dessus de cela ? Non, décidais-je. Pas du tout.
J'arrachais ma
propre chair de mes dents. La douleur était intense et mes points de vie
dégringolèrent vite. Je dus même me résoudre à manger de la viande de rat sur
le pouce pour restaurer un peu de ma santé. Mais mon idée avait
fonctionné ! J’extirpais ma main ensanglantée des fers rouillés. Libéré,
délivré ! Le sang cessa instantanément de couler, me laissant avec tout
juste deux points de vie sur un total de vingt et un. Mais quelle
importance ? La Régénération restaurerait mes points de vie à fond de
train, jusqu’au max. Mais à cet instant, un débuff apparut...
Votre main gauche est blessée
Au cours des deux prochains jours, vous ne pourrez plus
manier d’arme avec la main gauche, nager ni grimper sur des falaises ou des
arbres.
Toute autre action effectuée avec la main gauche fera
l’objet d’un malus de 30 %
Je n'avais obtenu
aucun point d’expérience en ôtant ma chaîne. Soit les développeurs
désapprouvaient la méthode, soit la mission n'était pas encore achevée.
« C'était
quoi ? » s'enquit mon acolyte de derrière les murs.
« Moi retire
chaîne. À ton tour. »
Je me levais enfin
pour aller voir dans la cellule voisine. Et le type assis là était un véritable
monstre ! Mi-humain mi-poisson bleu, d’énormes yeux globuleux, étendu sur
le sol crasseux et inspirant des bouffées d’air avec avidité.
Trong le
plongeur
Naïade
Plongeur
niveau un
« T’es plutôt
laid, Amra ! » s’exclama l’homme-poisson. Sa réaction était la même
que celle de l’autre homme à l’égard de mon apparence.
Nous nous
esclaffâmes ensemble, puis il répondit à la question que j’étais sur le point
de lui poser :
« En créant
mon personnage, je n’avais pas d’idée de pseudo. Je me suis dit que le second
mot devait révéler ma profession. Je suis donc M. Plongeur, une Naïade
classée plongeur. Aucune importance. J’aimerais que tu m’expliques comment tu
as retiré cette chaîne. »
Je m’efforçais
d’expliquer en des termes simples ma méthode ainsi que le débuff de deux jours
que j’avais subi en retour. Le poisson secoua la tête.
« Ouh là... Ce
n’est pas mon truc. Je dois pouvoir plonger et nager sous l’eau. Mais ce serait
impossible avec une main gauche cassée. Il est plus facile pour moi de mourir
et de ressusciter dans une heure, totalement libre et sans débuffs ou morceaux
de corps mutilés. Qu’en dis-tu : Je continue de chercher le moyen de me
libérer, mais si rien de sensé ne me vient à l’esprit, tu n’as qu’à me tuer
pour que je respawn. J’ai besoin d’une heure de pause, de toute façon. Pour
répondre à mes mails, et régler des petites affaires. Va où tu veux, mange,
fais un tour, ensuite on pourra faire équipe. On dirait que faire cavalier seul
est bien trop difficile. Ça te branche ? »
Au début, sa
proposition me mit mal à l’aise. Trong le plongeur évoquait sa propre mort avec
une sérénité déconcertante. Comme si la douleur qu’il allait ressentir n’avait
que peu d’importance pour lui. Puis je réalisais que c’était un joueur lambda,
sans capsule de réalité virtuelle. Il était installé chez lui, face à son écran
ou un casque rivé sur le crâne, cherchant un moyen de sortir d’une zone
d’entraînement ennuyeuse pour rejoindre, au plus vite et par tous les moyens,
le vaste monde du jeu. Cela en disait long, car un joueur qui comme moi
ressentirait les sensations de son personnage chercherait n’importe quel autre
moyen de se libérer.
« Bon.
D’accord. Je marche là, aller voir, » dis-je, répondant à la naïade
enchaînée, et avançant le long de la coursive noyée dans l’ombre.
Il était temps
d’aller voir l’interface. En premier lieu, j’appelais la carte des lieux, lui
appliquais un effet de transparence, et la plaçais dans le coin supérieur
droit. La carte, d’ailleurs, me localisait dans la soute d’une galère
d’esclavagistes. Trong le plongeur, situé derrière moi, figurait sous la forme
d’un triangle jaune, tandis que devant moi, dans la pénombre, trois points
rouges étaient à l’affût. Je me référais à la légende des couleurs, et le rouge
(logique) indiquait un ennemi. Le jaune représentait les PNJ et les joueurs
dont les affinités à notre égard étaient neutres.
Je progressais
prudemment, à pas lents. Ça sentait le sang frais, mais les cadavres de soldats
répandus ici et là n’avaient pas disparu, comme cela se produisait au bout d’un
moment dans la plupart des jeux. Je sentis quelque chose avec mon pied, et un
contenant en verre roula au sol.
Fiole vide
Sert à stocker des
élixirs alchimiques
Je ramassais le
récipient. Ça pourrait me servir. Mon regard s’arrêta dessus, cherchant le
moyen de zoomer dessus. Quelques secondes plus tard, un message apparut :
Voulez-vous prendre
Alchimie (I A) comme compétence primaire ?
J’étais quelque peu
dérouté. Était-ce si facile de s’octroyer une compétence ? Ni formation,
ni mission, ni parchemin hors de prix ? L’alchimie... Ce pourrait être un
sérieux avantage. Je cueillerais plantes et racines à foison grâce à mon
métier, et je m’épargnerais la vente des matières premières à prix modique. Je
pourrais préparer des élixirs supérieurs ou exceptionnels à base de plantes. Ce
serait probablement plus rentable que de mélanger des plantes de base. Je
choisis l’option « Oui. »
Vous avez pris
Alchimie comme compétence primaire
Niveau de
compétence : 1
Compétences
primaires choisies : 3 sur 4
Avec beaucoup de
retard, je pris conscience des répercussions de ce choix. Je venais de remplir
l’un des deux slots de compétences restants sans avoir sérieusement examiné la
question. Pire encore, ça améliorait l’intelligence, une stat que le peuple
Gobelin augmentait 50 % plus lentement que la normale ! C’était
considérable. Totalement inconsidéré, pour ne pas dit débile !!!
Plutôt que
l’alchimie, j’aurais dû choisir une compétence privilégiant l’agilité et la
perception, les points forts du Gobelin. Si je hissais le niveau de ce type de
compétences à, disons, cent, j’obtiendrais 130 points d’agilité (100*1,3)
plus 65 points de perception (50*1,3). Le cumul final aurait été de
195 points de stat en bonus ! Mais avec un niveau d’alchimie de
niveau cent, vu le malus de 50 % au gain d’intelligence, je n’obtiendrais
que 50 (100*0,5) points d’intelligence et 65 (50*1,3) points
d’Agilité, totalisant 115 au lieu des 195 points que mon perso aurait pu
avoir, si j’avais fait preuve de jugeote.
Honteux, j’étais à
deux doigts de fracasser cette fiole de malheur contre le mur, mais je
m’efforçais de rester calme et je l’emportais avec moi. J’ignore où les objets
allaient dans la logique du jeu — j’avais pour seul équipement un pagne sale —
ce qui ne m’empêchait pas de stocker des objets dans mon inventaire. Quoi qu’il
en soit, je n’avais que huit slots. C’était limite. Il me faudrait un sac pour
stocker mes affaires.
À quelques pas de
là, je trouvais un autre contenant du même type, puis quatre autres. Une
bataille avait dû faire rage il y a peu, comme en témoignait les taches de sang
séché et les profondes entailles dans la table en bois. Les combattants avaient
sans doute recours à des potions alchimiques de force ou de soin. Les six
récipients identiques, heureusement, n’occupaient qu’un seul slot sur les huit
disponibles dans mon inventaire.
Je m’approchais
dangereusement des points rouges sur la carte. Toujours pas d’ennemi en vue,
mais je redoublais de prudence à mesure de ma progression. Et, à ce moment
précis, un autre message apparut :
Voulez-vous prendre
Furtivité (A C) comme compétence primaire ?
Cette fois-ci je
prenais le temps de la réflexion. D’un côté, la Furtivité améliorerait mon
agilité, chose utile. En même temps, mes quatre slots de compétences primaires
seraient remplis avant même de commencer la partie... Ce choix n’était sans
doute pas le plus judicieux pour faire évoluer mon personnage sur le long
terme. D’ailleurs... il me fallait garder à l’esprit que j’étais un vampire.
Les mécaniques du jeu ne permettaient pas de dissimuler mes compétences
primaires. De façon logique, on se fie souvent à sa première intuition quand on
rencontre un personnage pour la première fois, n’est-ce pas ? Mais si ma
compétence de Furtivité était visible de tous, cela soulèverait des questions
non sollicitées. J’étais censé être un Herboriste gobelin pacifique, après
tout. Avec une once de regret, je refusais la Furtivité comme compétence
primaire, mais je l’affectais en tant que secondaire. Si les compétences
secondaires n’amélioraient pas les points de stats, la capacité de se déplacer
discrètement s’avérait utile pour un vampire nyctalope. Et surtout, les
compétences secondaires n’étaient pas visibles des autres joueurs.
Vous avez pris
Furtivité comme compétence secondaire
Niveau de
compétence : 1
Basculer en mode
Furtivité était d’une simplicité enfantine. En revanche, mon personnage se
déplaçait beaucoup plus lentement. N’étant pas pressé, je continuais à avancer
de cette façon le plus longtemps possible. Comme je gardais un œil sur mes
stats, j’avais bien repéré le moment où, subitement, la jauge de Furtivité vide
avait commencé à se remplir doucement. Regardez-moi cette petite jauge !
Je risquais de me faire repérer si je ne redoublais pas de vigilance en
marchant. Précautionneusement, je cheminais dans la cale obscure.
Rat niveau 1
Je l’avais vu tout
en étant invisible.
Compétence
Furtivité améliorée au niveau 2 !
Au comble du
bonheur, je lus le message puis trébuchai sur une petite marche que je n’avais
pas remarquée, m’étalant à plat ventre sur le sol. Et là, le rat me repéra.
L’animal agressif se rua sur moi à bonds de géant ou presque, alors que je
n’avais pas d’arme !
Dégâts subis :
4 (Morsure de rat)
Niveau de
santé : 6/21
Plus que deux
morsures avant que ne sonne le glas ! J’assénais deux coups au rat. Un de
la main gauche, un de la main droite. Pas un seul dégât ! Échec.
Dégâts subis :
4 (Morsure de rat)
Niveau de
santé : 2/21
Ne comptant plus
sur la faiblesse de mes coups, j’étais bien décidé à le mordre.
Dégâts
infligés : 8 (Morsure vampirique)
Points de vie
restaurés : +4 PV
Niveau de
santé : 6/21
Haaa ! Extase
sublime ! Le minuscule rat ne faisait pas le poids face à une terrifiante
créature nocturrrrrrrrrne ! Il va les sentir, mes crocs… Saint Gygax,
aidez-moi ! La morsure suivante, me priva de nouveau de 4 PV, puis
vint mon tour...
Points d’endurance
insuffisants pour utiliser la compétence Morsure vampirique
Vraiment pas le
moment pour être à court d’endurance ! Il allait me dévorer tout
cru ! Dépité, je tentais de cogner encore ce rat, à mains nues.
Dégâts
infligés : 2 (Coup)
Gain
d’expérience : 8 XP
Objet obtenu :
Viande de rat (aliment)
Je rejetais la
suggestion importune de choisir Combat au poing (F C) comme compétence
primaire. Je m’assis plutôt sur le sol humide recouvert de paille, exténué. Ma
jauge de points de vie clignotait de façon alarmante à 2/21 PV, alors que mon
endurance n’était qu’à 1/20. Grmf... Il me fallait être honnête, surtout avec moi-même :
si mon Gobelin aux grandes esgourdes avait tiré son épingle du jeu face au rat,
cela relevait du miracle. Je n’avais pas intérêt à chercher des noises à
quiconque, clairement. Alors, avant d’affronter d’autres rats, je devais me
mettre en condition. Déjà, restaurer ma santé et mon endurance, et idéalement,
dégoter une arme, quelle qu’elle soit.
Je restais assis
dix minutes, à respirer. Durant ce temps, mon endurance grimpa jusqu’à dix,
tandis que ma santé, grâce à la régénération et la viande, s’était totalement
restaurée. Me remettant en route, je ne tardais pas à découvrir un couteau
abandonné au sol.
Couteau de cuisine
rouillé
Dégâts : (1-4)
* Force
C’était bien plus
efficace que de cogner à mains nues avec (1-2) * Force ! À peine eus-je
ramassé le couteau que le système me suggéra Dague (F A) comme compétence
primaire. Je bougonnais. Cessez de me faire miroiter des choses alors que je
n’y ai même pas réfléchi ! Si l’agilité était la stat primaire de cette
compétence, j’aurais pu l’envisager, mais la force avec un malus de
50 %... Non merci. L’alchimie, avec un malus d’intelligence, c’était déjà
le pompon ! Je ne voulais pas non plus choisir Dague en compétence
secondaire.
N’empêche qu’il
était plus facile d’éradiquer des rats au couteau de cuisine. Je subirais une
morsure de 4 PV, je riposterais à 6 PV de dégâts au coup de couteau
puis j’achèverais la créature avec Morsure vampirique. Mon endurance était
toujours en berne, il me fallait donc attendre. Et si un autre rat que j’avais
déjà repéré me faisait face, il était grand temps de retrouver Trong le
plongeur.
L’homme-poisson
était assis dans la même posture qu’auparavant, enchaîné au mur par les
entraves métalliques. J’appelais Trong par son nom à plusieurs reprises, mais
il mit quelques minutes à recouvrer ses esprits avant de répondre :
« Désolé,
j’étais afk. Dès que tu auras fini tes affaires, tue-moi comme convenu. Je file
faire les courses et je mange. Attends-moi au respawn dans une heure,
d’accord ? On continuera ensemble ! »
J’élevais la dague
au-dessus de la poitrine de la naïade et l’enfonçais profondément entre ses
côtes. Même si l’attaque n’était pas ratée, avec 8 PV de dégâts, la jauge
de santé de Trong n’avait chuté que d’un quart de points. L’enflure ! Ses
points de santé étaient une fois et demie plus élevés que ceux de mon Gobelin
aux grandes zoreilles ! Il me fallait le frapper, sans relâche. Au bout du
quatrième coup, la jauge de santé de Trong clignotait en zone critique... Je
m’interrompis, demandant à l’homme-poisson s’il fallait l’achever ou pas.
Aucune réponse. Le joueur avait quitté son écran. C’est donc moi qui
décidais !
J’avais lu ça sur
les forums. J’étais tombé sur des articles qui conseillaient, pour les
professions assassin ou voleur, de prendre la compétence Voile qui permettait
de supprimer ou de modifier des journaux et ainsi dissimuler ses actes
criminels à la vue des victimes, de réduire la durée du flag Criminel et, avec
le temps, de l’effacer. Pile ce qu’il me fallait ! Je tentais de modifier
le dernier message au sujet du coup de couteau.
Voulez-vous prendre
Voile (I A) comme compétence primaire ?
Non, ça ne valait
pas le coup de prendre Voile comme compétence primaire. Je ne voyais pas de
raison à ce que mon innocent Gobelin herboriste révèle son côté sombre. Mais
comme compétence secondaire, la capacité était utile !
Vous avez pris
Voile comme compétence secondaire
Niveau de
compétence : 1
Durée de
l’effet : 1 minute, utilise 5 PE
Je cliquais sur
l’icône Voile. À partir de là, je disposais d’une minute au total pour agir en
secret :
Dégâts
infligés : 6 (Morsure vampirique)
Points de vie
restaurés : +3 PV
Gain
d’expérience : 80 XP
Niveau
deux !
Réussite
débloquée : Goûteur (2/1000)
Réussite
débloquée : Assassin de joueur (1)
Capacité de
peuple débloquée : Vision nocturne (dure 12 heures, coûte 15 PE)
Capacité de peuple améliorée : Le goût du sang
(octroie +1 % à tous les dégâts infligés par créature unique tuée avec
Morsure vampirique. Bonus actuel : 2 %)
Attention ! Votre personnage reçoit le flag
Criminel ! Au cours des huit prochaines heures, vous serez officiellement
une cible à abattre !
Le cadavre de Trong
le plongeur se mit à pâlir, jusqu’à devenir translucide. Non, je n’avais pas
agi sans réfléchir. Cette fois, j’avais élaboré une vraie stratégie. J’avais
trouvé une cible pour faire évoluer ma capacité fort avantageuse, Le goût du
sang, et j’en profitais. Les naïades étaient un peuple rarissime, après tout.
N’était-ce pas l’occasion ou jamais d’en ajouter une à ma liste d’espèces uniques
mordues ? Mais je n’étais pas le seul à avoir accès aux logs du jeu.
Comment Trong le plongeur réagirait-il en découvrant le récap de sa mort,
révélant qu’un vampire l’avait tué ? Je devais faire en sorte de préserver
le secret.
Qu’allais-je faire
avec le log ? Je parvins à ouvrir le message que Trong le plongeur verrait
dans cinquante secondes pour le modifier :
Dégâts subis :
6 (Morsure vampirique par le joueur Amra)
Vous êtes mort
Je ne le supprimais
pas intégralement, même si cette possibilité m’était offerte. Je le modifiais
plutôt en substituant « Morsure vampirique » par « Coup de
couteau rouillé ». Beaucoup mieux !
Compétence
Voile améliorée au niveau 2 !
Pas mal, pas mal du
tout ! Je reprenais ma vie en main ! Il ne me restait qu’à affecter
les points de stat obtenus grâce au level-up, et vivre de nouvelles
aventures ! D’ailleurs... étrangement, deux points sur cinq avaient été
automatiquement dépensés. Ma force avait atteint trois, et ma constitution
quatre. Étrange...
Épluchant les
guides, je réalisais que c’était une spécificité du peuple vampire : qu’on
le veuille ou non, la force et la constitution évoluaient à chaque niveau. Il
me fallait l’accepter sans broncher. On ne pouvait rien y faire. Il ne me
restait plus que trois points de stat.
Je décidais d’en
placer deux directement dans le charisme. Je n’avais pas envie d’être victime
d’un délit de sale gueule à chaque rencontre ! Et mon dernier point de
stat, après mûre réflexion, je l’ai affecté à l’intelligence. Il était grand
temps de surpasser le QI d’un tabouret !
*
* *
Le dernier rat ne me posa aucune difficulté, succombant
au bout de deux coups de poignard — une preuve concrète que mon personnage
avait gagné en force. Après avoir ramassé un morceau de viande de rat,
j’avançais jusqu’à ce qui semblait être le fond de cette cale, là où une cage
d’escalier menait au pont supérieur. La première marche franchie, la carte se
mit à jour pour afficher le pont principal, celui où prenait place les rameurs.
Ce niveau-là
empestait. Ça sentait le moisi, les cadavres en putréfaction et le sang caillé,
un bouquet de senteurs qui manqua de me faire chanceler. Mon Gobelin dut se
couvrir le nez avec sa main gauche infirme. Ok, je vois le genre. Si Boundless
Realm était salué pour son hyperréalisme, tous ces détails gores
étaient-ils nécessaires ? Et quand on y pense, comment les créateurs
avaient-ils procédé pour reproduire la puanteur de ce lieu maudit ? Même
la légère brise ne pouvait dissiper la pestilence qui s’infiltrait à travers le
pont.
Recouvrant un peu
mes esprits, j’observais les environs. Tout semblait indiquer que ce lieu avait
été le théâtre d’un récent massacre : sang séché par terre, bancs des
rameurs brisés et pourfendus, morceaux de chaîne, et guenilles sales. Il n’y
avait aucun cadavre. Ils avaient déjà disparu du monde. Puis, sur la carte,
derrière les marqueurs d’une poignée de rats éloignés, un triangle jaune. Un
joueur ?! Je m’avançais discrètement pour le lorgner, ou plus exactement,
la lorgner :
Valerianna
Prestepas
Nymphe
sylvestre
Dompteuse
niveau 2
Ma sœur ! Je
l’avais reconnue d’entrée de jeu. Valeria employait toujours le même pseudo
pour son personnage principal, dans tous les jeux. Je restais toutefois à bonne
distance. Ma sœur et moi avions décidé d’un commun accord de garder notre lien
secret et de prétendre que nos personnages venaient de se rencontrer. Alors
j’avançais en rampant, contemplant ma jauge de Furtivité en train de se
remplir.
Pendant ce temps,
la gracieuse nymphe à la longue chevelure bleue-verte était affairée à
exterminer du rat. Ses méthodes étaient tout à fait singulières : se tenant à
distance de la vermine, elle en dominait un avec un sort de commandement pour
qu’il se retourne contre ses congénères. Je lus la description des compétences
primaires de Valerianna :
Domptage d’animaux
niveau 2
Magie de l’eau
niveau 1
Soudain, la nymphe
se figea et tourna brusquement les talons.
« Qui
es-tu ? » s’enquit-elle d’un air plus curieux, voire menaçant,
qu’étonné.
J’avais trahi ma
présence d’une façon ou d’une autre, et j’étais découvert. Rester planqué
n’aurait eu aucun sens, alors je fis un pas en avant.
« T’es un
criminel ! Dégage ! » La nymphe effrayée joignit ses paumes et
les plaça devant elle. En les séparant, une petite flamme vacillante apparut en
leurs creux.
« Pas vouloir
de mal à toi. » Je m’empressais de la rassurer, maudissant en mon for
intérieur le parler médiocre de mon personnage. « Début partie pour moi.
Chaîne retirer de main. Puis autre joueur poisson demander aide. Moi lui tuer.
Et lui ressusciter sans chaîne. Seul moyen, dit-il. Lui pas savoir retirer
chaîne. »
La nymphe, ou
plutôt la très svelte jeune femme en courte cape verte, ne put contenir un
sourire.
« T’es rigolo,
gobelin. Mais tu n’es visiblement pas futé. Tu es en train de me dire qu’à vous
deux, vous n’aviez pas assez de force, d’agilité, d’intelligence ou de
perception pour atteindre sept ? Vous auriez pu coopérer ! »
J’étais pétrifié de
surprise et de honte. L’idée de faire équipe pour tirer sur la chaîne de
Trong-le-plongeur fixée au mur ne nous avait pas traversé l’esprit. Le
crétinisme de mon Gobelin n’avait tout de même pas déteint sur moi, si ?
C’était pourtant si évident ! Valerianna réfléchit quelques secondes puis,
une pointe d’inquiétude dans la voix, dit :
« Je crois
avoir compris ce qui s’est passé entre vous. Tu sembles décrire un escroc JcJ
typique. Tu as tué un joueur à sa demande, et te voilà Criminel durant une
heure. Il savait que ce serait facile de te tuer, mais il ne voulait pas être
tagué Criminel pour si peu. Tu ne perdrais pas grand-chose en mourant, et lui
n’obtiendrait qu’une centaine de points d’expérience. C’est pour cela qu’il t’a
laissé une chance d’améliorer ton niveau sur des rats et des quêtes
d’entraînement, de leveler un peu, pour après te tuer après. Je parie qu’il t’a
demandé de l’attendre, pour faire équipe par la suite. J’ai tort ? »
J’approuvais la
théorie de ma sœur d’un hochement de tête.
« Tu vois, ce
personnage doit être un spécialiste du JcJ. Il a sans doute une tendance pour la
stat de combat. La force par exemple, et il se prépare à utiliser une arme de
mêlée. Je parie aussi qu’il a une constitution de haut niveau, ce qui lui
octroie de nombreux points de vie. Vu que tu es niveau trois, il gagnera
trois-cents points d’expérience en te tuant, et non cent. Ce qui est loin
d’être négligeable en début de partie, et plus que suffisant pour qu’il accède
au niveau quatre. D’ailleurs, certains peuples et classes pexent en
tuant des joueurs ou grâce à des bonus et quêtes spéciales. Clairement, ton
acolyte va te tuer. Comme ça, une fois dans le monde principal, il aura un bon
niveau sans que sa réputation en ait souffert.
Valeria venait sans
doute de retirer son casque de réalité virtuelle, d’ouvrir le forum de Boundless
Realm à l’écran pour le consulter de là. En gros, le plan de Trong le
plongeur consistant à le tuer n’était qu’un piège. Il laissait sa proie faire
ses premières armes pour la rendre plus savoureuse. Il comptait sûrement me
tuer dès son retour.
Bon… voilà voilà, je me faisais faire la leçon par ma sœur de quatorze ans. Un bon début s’il en est ! C’est officiel, je suis un noob. Mon égo venait de se faire torpiller et c’est pas un Sparadrap qui allait suffire.
Bon… voilà voilà, je me faisais faire la leçon par ma sœur de quatorze ans. Un bon début s’il en est ! C’est officiel, je suis un noob. Mon égo venait de se faire torpiller et c’est pas un Sparadrap qui allait suffire.
« Sans
indiscrétion, de quel peuple fait-il partie ? » demanda la nymphe,
envoyant un autre rat sur la horde de vermines.
« Naïade,
plongeur, » répondis-je, et ma sœur se pétrifia d’admiration.
Alors qu’elle
restait figée, le rat sous ses ordres continuait d’en découdre avec ses anciens
congénères. Je fus surpris de voir le corps de la nymphe statufiée chatoyer
d’une multitude de couleurs. Ce devait être une amélioration de compétence. Je
consultais ses stats visibles. Exact ! La compétence Domptage d’animaux
de Valeria était dorénavant niveau 3. Entretemps, ma sœur était revenue
dans le jeu.
« Pour info,
les naïades plongeurs sont une variante des guerriers humains ou des nains
berserkers. Ils reçoivent dix points de vie bonus pour chaque point de
constitution, le double de points d’endurance en effectuant différentes attaques
combo, ainsi qu’un bonus supplémentaire en force. »
« Je
m’enfuir ? » demandais-je, mais la nymphe secoua la tête et me
demanda dans combien de temps la naïade allait respawner.
Je consultais le
temps qui s’affichait, et lui répondit qu’il lui restait quarante minutes.
« Ne t’enfuis
pas, gobelin. S’il t’attaque vraiment, je t’aiderai. Je n’aime pas les PK et
les escrocs. Mais je ne m’impliquerais que s’il t’attaque en premier. Pour
l’heure, je vais accroître ma compétence en magie de l’eau jusqu’au niveau
deux, puis mon intelligence augmentera grâce à mes bonus de compétence
primaire. Cela me donnera dix-sept points.»
Sa réponse ne
percuta pas immédiatement. Valerianna était déjà niveau deux, et avait déjà
dix-sept en intelligence. Mais comment ?! Pour ma part, aucune de mes
stats n’était supérieure à quatre, que ce soit mon agilité, de mon intelligence
ou ma constitution.
La nymphe expliqua
sur un ton enthousiaste :
« Mon peuple a
un bonus en charisme et en intelligence, et j’ai perfectionné l’intelligence de
mon personnage par-dessus tout. Mes deux compétences primaires prédéfinies
améliorent également l’intelligence. J’ai simplement ôté les menottes de mes
poignets, car j’avais directement compris le fonctionnement du système de
verrouillage. »
Après ses mots, la
nymphe appela un autre rat à ses ordres, et je remarquais que l’animal avait
légèrement grossi, faisant monter son niveau en affrontant ses propres
congénères. Suite à cela, Valerianna, enjoignant à son familier de s’asseoir et
d’attendre les ordres, décocha une flèche de glace bleue sur un rat hostile
éloigné, à peine visible, le tuant sur le coup. Elle remporta le même succès
avec deux rats qui passaient par là. Encore une fois, la nymphe se mit à
scintiller de plein de couleurs. Sa compétence en magie de l’eau était
dorénavant niveau deux.
« Cool !
Encore une cinquantaine de points d’expérience, et je serai niveau
trois ! » s’esclaffa la nymphe réjouie. « Amra, j’ai besoin de
faire une petite pause pour restaurer ma mana. Ensuite, je pourrai tirer
jusqu’à neuf flèches de glace, chacune infligeant environ quarante dégâts. Quel
que soit le niveau de constitution de ton ami Naïade, il n’y survivra pas. Mais
il est important de ne pas le laisser s’approcher. Je n’ai que onze PV, il
pourrait me tuer d’un simple crachat. Au fait, pourquoi n’en profites-tu pas
pour faire du levelling ? Il reste encore quelques rats. Charge-t
’en. »
J’acquiesçais
docilement, et m’avançais. À vrai dire, mes pensées étaient bien loin des rats
alors que je m’exécutais. J’étais obnubilé par l’attaque imminente de Trong le
plongeur. Valerianna avait promis d’intervenir si la naïade attaquait. Malgré
tout, l’homme-poisson m’infligera un ou deux coups auxquels il me faudra
survivre. Et si le personnage était vraiment un spécialiste JcJ ou même un
futur PK professionnel, bourré de modificateurs de dégâts, alors... Combien de
dégâts pourrait-il infliger en un coup ? Sûrement pas moins que la nymphe
et sa magie, surtout que ma sœur parlait de quarante points de vie par flèche
de glace. Si la référence était quarante PV, comment survivre à une telle
attaque avec vingt-sept malheureux PV ?! Pouvais-je envisager
l’esquive ? Ce pourrait être ma porte de sortie.
Quand le rat
niveau 1 le plus proche se rua sur moi, je bondis en arrière et sur le
côté au lieu de le frapper.
Voulez-vous prendre
Esquive (A P) comme compétence primaire ?
Cette compétence
améliorait l’agilité et la perception, mes points forts ! Pile-poil ce
qu’il me fallait ! J’acceptais sur-le-champ.
Vous avez pris
Esquive comme compétence primaire
Niveau de
compétence : 1
Compétences
primaires choisies : 4 sur 4
Vous pourrez
choisir une cinquième compétence primaire au niveau 10.
Ayant déjà tué le
rat (cette saloperie avait réussi à me mordre une fois, mais ça ne voulait rien
dire. La régénération guérirait toutes les blessures, après tout), je
remarquais que ma compétence Esquive avait monté mon agilité au niveau cinq et
légèrement accru ma perception.
De plus, des quatre
compétences primaires, seule l’Esquive avait été activée. Les autres étaient
grisées, inactives, et n’avaient visiblement aucun impact sur mes stats.
Était-ce parce que je ne les avais toujours pas utilisées ? Cela restait à
démontrer.
Je m’emparais d’une
fiole vide dans mon inventaire puis la remplis du sang du cadavre.
Sang de rat
(ingrédient alchimique)
La compétence
Alchimie se mit en surbrillance. Mon intelligence et mon agilité augmentèrent
aussitôt, jute un peu. Voilà comment ça fonctionnait ! Pour activer une
compétence primaire et faire en sorte qu’elle augmente les stats, il fallait
l’utiliser au moins une fois ! Qu’y avait-il d’autre au statut
« inactif ? » L’Herboristerie et le Marchandage. Il me faudrait
patienter pour utiliser l’Herboristerie. Nous étions à bord d’une galère.
Impossible de trouver des plantes sur un bateau. En revanche, pour le
Marchandage, c’était enfantin. Je retrouvais ma sœur pour marchander la fiole
remplie de sang de rat.
Valerianna se
tortilla d’écœurement et, bien sûr, déclina la proposition. Mais nul besoin de
conclure cette vente. Après avoir constaté avec satisfaction que le Marchandage
avait déjà été activé, augmentant mon charisme d’un point entier et rehaussant
faiblement mon intelligence, je déversais le sang au sol comme je n’avais pas
de bouchon.
Je passais dix
minutes à esquiver la vermine subsistante afin de faire grimper au plus vite ma
compétence Esquive jusqu’au niveau trois. Criblé de morsures et fort satisfait
de mes performances, je rejoignais ma sœur.
« Hé
l’andouille, t’as encore du chemin avant d’être niveau trois ? »
questionna la nymphe d’un air las, assise sur le banc du rameur, tout en
admirant ses ongles manucurés.
« Trois cent
quarante expérience. Veut cinq cents, » rapportais-je.
Ma sœur se
renfrogna, l’air contrarié.
« Augmente ton
intelligence à cinq, au moins. J’ai dû mal à te comprendre. On verra plus tard.
Pour l’instant, écoute bien, grandes esgourdes. Il nous faut rejoindre le pont
supérieur de la galère. J’ai trouvé un descriptif des lieux dans les guides. La
mer se déchaîne là-haut. Les vagues risquent de s’engouffrer dans les brèches
du bateau. Si ton agilité est trop faible, tu seras balayé par-dessus bord, tu
perdras de l’expérience, et il te faudra attendre une heure au lieu de respawn.
Sauf si tu sais nager, Amra ? »
« Pas savoir.
Agilité suffit. »
« Vraiment ?
« Bon, très bien. J’ai un sort de respiration aquatique, donc je vais
plonger tout en bas. Ton ami Naïade est une créature marine, donc aucune chance
qu’il se noie. Mais toi, il te faut abaisser le canot avec un bossoir et
affronter le vent et les vagues pour atteindre le rivage en ramant. C’est une
quête secondaire avec cent points d’expérience à la clé. Alors, quand tu
atteindras le rivage, cette quête sera validée au même titre que la mission
d’entraînement principal, avec encore cent points d’expérience gagnés. Donc,
sitôt le pied posé sur la côte, tu seras niveau trois. Mais une fois sur place,
ne tire pas au flanc. Empresse-toi plutôt de courir le plus vite possible sur
la côte, ou t’exercer au combat. Ton ami va sûrement t’attaquer, donc reste sur
tes gardes. T’as compris ? Allez, on monte. Tu dois abaisser le canot sans
mon aide, pour pexer un maximum. Sinon tu n’atteindras pas le niveau
trois, et tu ne seras pas de taille à affronter la naïade. »
*
* *
Ma sœur était rusée comme un renard. Une fois sur le pont
supérieur, j’ai pu éviter de me faire directement balayer par les vagues grâce
à sa mise en garde. Je m’emparais d’une corde tendue dès que je me déplaçais
pour m’aider à rester debout sur le bateau, lorsqu’une déferlante me projeta de
l’autre côté du pont. La galère orque heurta la falaise et se coinça entre les
rochers. D’immenses vagues roulaient par-dessus bord, fauchant au passage
toutes sortes de détritus, barils, morceaux de rames et matériaux divers.
Quant au canot,
miraculeusement intact dans ce chaos, je le repérais sur la proue de l’épave.
Pour y accéder, il fallait courir sur le pont glissant et incliné, baigné par
l’écume des lames qui se brisaient sans relâche.
« Rendez-vous
sur le rivage ! » Ma sœur était parvenue à crier avant qu’une vague
ne l’aspire jusqu’aux tréfonds.
Le rat de
niveau 2 qui avait été sous les ordres de ma sœur passa devant moi à la
nage. Le lien étant rompu avec sa maîtresse, il était maintenant hostile envers
moi. Mais le rat ne s’intéressait pas à moi. Il agitait ses pattes, désespéré,
s’efforçant de lutter contre les éléments déchaînés. Dès le reflux de la vague,
je m’élançais par-dessus le pont incliné en direction du canot.
Contrôle d’agilité
réussi
Gain d’expérience :
8 XP
Je me jetais droit
devant avant que le prochain rouleau ne déferle sur l’épave déchiquetée. Je
parvins juste à franchir le vide puis à m’agripper au flanc du canot encore
protégé par quelques toiles goudronnées.
Mission
reçue : Utiliser le canot
Classe de
mission : Facultative, entraînement
Récompense :
80 XP, petit sac
Le canot était fixé
à un fouillis de cordes aboutissant à un bossoir installé sur le flanc du
bateau. Il fallait actionner la manivelle afin de lancer la fragile chaloupe.
Alors que je faisais tourner le mécanisme, j’oubliais totalement que j’étais
dans un jeu. Mes sensations étaient extrêmement réalistes. La tempête, le vent,
le crissement des cordes ultra-tendues, les vagues écumantes, le vent froid et
l’odeur des algues s’unissaient en un tout très fidèle à la réalité. Ma main
gauche blessée me brûlait jusqu’à l’os dans la mer salée. De toutes mes forces,
je tentais de faire tourner le cabestan avec ma main valide, et enfin, le
bateau fut mis à l’eau.
« Tiens donc,
te voilà, Gobelin ! » La voix satisfaite de Trong le plongeur
retentit derrière moi.
Je me retournais.
La naïade, arborant un large sourire, s’assit sur la paroi latérale de la
galère.
« Le temps est
juste idéal pour moi ! J’adore les mers houleuses. Allez, prends le canot,
moi je vais nager sous l’eau. Rendez-vous sur terre. »
À ces mots,
l’homme-poisson sauta agilement par-dessus bord. La naïade tenait un trident
entre ses mains, mais rien n’indiquait sa provenance. Tout à coup, voilà qu’il
détenait une arme. Mauvaise nouvelle !
Je relâchais la
corde et m’accrochais à la rame. Zut ! Impossible de ramer de la main
gauche, je décrochais la rame de son anneau et la saisit à deux mains. C’était
plus facile ainsi. Je perdais progressivement des points d’endurance en
pagayant, mais je ne m’inquiétais pas trop. Il m’en restait plein en réserve.
Contournant les roches déchiquetées émergeant de l’eau, je naviguais jusqu’au
lagon. Au-delà des récifs tenant place de brise-lames naturels, la mer
retrouvait son calme. Quelques minutes plus tard, je rejoignais une étendue
sablonneuse qui se rétrécissait en une fine bande qui s’avançait dans l’océan.
Ma sœur, visible au loin, m’attendait déjà sur la côte. J’avais à peine posé le
pied sur le sable mouillé que mon corps s’illumina :
Mission
accomplie : Utiliser le canot
Gain
d’expérience : 80 XP
Mission
accomplie : S’enfuir de la galère des marchands d’esclaves
Gain
d’expérience : 80 XP
Niveau
trois !
Capacité de
peuple débloquée : Apathie des morts-vivants (dure 3 heures, coûte
20 PE)
Alors, où était le
sac qu’on m’avait promis ? Regardant sous le banc de canotage, je trouvais
un sac de toile avec une bandoulière.
Petit sac :
slots d’inventaire +10
Le temps que Trong
atteigne le rivage, j’affectais les nouveaux points de stats. La force et la
constitution grimpaient par défaut. Des trois points restants, j’en plaçais un
autre dans la constitution, et deux dans l’agilité. Je me retrouvais avec
39 points de vie.
Sitôt les stats
distribuées, Trong émergea des eaux salées sur la bande sablonneuse et se fraya
un chemin jusqu’à la côte. Son corps émettait aussi un halo coloré. La naïade
était également passée niveau trois. L’homme-poisson décocha un sourire
malicieux, arborant plusieurs rangées de dents acérées comme des aiguilles,
puis déploya subitement ses nageoires dorsales rouges et brillantes et brailla,
estomaqué par la présence de l’autre joueur non loin de moi.
« Hé !
C’est mon trophée, » cria Trong, pointant son trident dans ma direction.
« Je le cornaque depuis le début de la partie ! »
La nymphe laissa la
perfide naïade sans réponse mais, entre ses mains, la flamme vive et bleue d’un
sort en cours apparut.
« Entendu, on
partage le gâteau, » suggéra Trong, et là, ma sœur attaqua.
La flèche de glace
qui jaillit de ses mains dépassa la distance qui les séparait, et retomba en
une grêle de fragments sur les écailles de la naïade, provoquant une baisse
rapide de ses points de vie. Malédiction ! Ce sort à quarante points de
dégâts n’avait réduit les points de vie que d’un tiers. Combien de points de
vie pouvait-il avoir ?
« Ça t’en
bouche un coin, nymphe ? » ria l’homme-poisson. « Je suis
résistant par essence à la magie de l’eau ! »
À ces mots, Trong
le plongeur se saisit de son trident comme s’il s’apprêtait à embrocher un
saumon et se jeta sur ma sœur pour faire échouer le prochain sort. Et moi, sans
trop y réfléchir, je fondis dans sa direction. La naïade était à mi-chemin
lorsqu’un crabe de niveau 1 émergea des eaux en rampant sur le sable et se
mit en travers de son chemin.
La naïade, freinée
dans son élan, détruisit l’obstacle inopiné d’un coup de trident. Mais cette
seconde de délai me suffit pour le rattraper et le poignarder dans le dos.
Dégâts
infligés : 9 (11 avec coup Couteau de cuisine rouillé — armure 2)
La jauge de vie de
Trong le plongeur baissa, mais rien d’extraordinaire : à peine dix pour
cent. Pfff, j’aurais mieux fait de prendre la compétence dague. J’aurais pu
infliger un coup critique en le poignardant dans le dos. Là, sans doute plus
étonné par mon audace que par les dégâts que je lui avais fait subir, Trong se
tourna vers moi.
« Alors comme
ça, Amra, tu te mets à attaquer dans le dos ! Tu ne peux plus t’enfuir
nulle part ! »
Une autre flèche de
glace s’envola jusqu’au dos de l’homme-poisson, faisant dégringoler les points
de vie à quarante pour cent. Sa jauge de vie passa du vert au jaune, et Trong
le plongeur fit un rictus de douleur :
« Ce n’est
rien, je survivrai à une autre attaque de glace, et puis je raflerai deux jolis
trophées, toi et la nymphe ! Soixante points d’expérience qui me suffiront
à passer le niveau cinq ! »
À ces mots, la
naïade bondit brusquement en avant et me poignarda le thorax de son trident.
J’essayais d’esquiver l’attaque, mais en vain. L’enflure ! La douleur
était infernale !!!
Dégâts subis :
34 (coup de Trident du joueur Trong le Plongeur)
Niveau de
santé : 5/39
La douleur était
telle que j’avais perdu l’occasion de riposter. La naïade bondit pour se mettre
hors d’atteinte, de sorte qu’il m’était impossible de le poignarder. Mais heureusement,
ma sœur n’hésita pas un instant à envoyer une autre stalactite enchantée dans
le dos de mon attaquant. La vie de Trong le plongeur clignotait en rouge, mais
l’homme-poisson esquissa un sourire inquiétant :
« Ha !
J’ai survécu ! Ah, tu vas mourir et je vais récupérer tous mes points de
vie dès que j’aurai gagné un niveau ! » Sur ces mots, Trong sauta
dans ma direction et tenta de me transpercer de son trident.
D’un salto arrière,
j’esquivais avec brio les pointes acérées. Cela eut pour effet de faire
dégringoler mes points d’endurance mais il était déséquilibré par son
mouvement. Puisqu’il était très proche de moi et de taille égale, je portais un
coup brusque à sa gorge finement écaillée.
Dégâts
infligés : 16 (18 avec coup de Couteau de cuisine rouillé — armure 2)
Gain
d’expérience : 120 XP
Compétence
Esquive améliorée au niveau 4 !
Voulez-vous prendre
Acrobatie (A F) comme compétence secondaire ?
C’était donc
ça ! En tentant d’esquiver la mort certaine qui planait au-dessus de ma
poitrine, j’avais non seulement utilisé l’Esquive, mais aussi
l’Acrobatie ! Que dire ? C’était une compétence utile à ma survie. Il
me la fallait. Plus loin, la nymphe s’éclaira comme un projecteur, car elle
passait niveau quatre.
Après ces détails
techniques, j’observais les alentours. Le corps de Trong le plongeur gisait
dans les bas-fonds, émettant une pâle lueur. Je me penchais au-dessus de lui
pour ramasser le trident, mais mes doigts traversèrent directement l’objet.
Sans doute parce que les lois du jeu ne considéraient pas que l’arme avait été
« droppée », donc elle restait dans son inventaire. Dommage. Penché
au-dessus de mon ennemi vaincu, j’essayais de le regarder. Je n’avais pas eu à
fouiller son cadavre. La fenêtre des trophées s’ouvrit. Mon butin se constituait
de trois pièces d’argent, deux fioles vides et une avec un bouchon, remplie
d’un liquide bleu pâle.
Niveau
d’intelligence insuffisant pour identifier l’objet
Bien, je verrai
plus tard ou je montrerai cela à ma sœur. J’allais à la rencontre de Valerianna.
La Nymphe sylvestre était en rogne :
« Tous mes
familiers meurent trop vite, les rats comme les crabes. La reine des
dompteuses. Je ne suis pas fichue de garder le contrôle de mes bêtes ! En
plus, j’ai le flag rouge du criminel au-dessus de la tête. Comme j’ai attaqué
la naïade par anticipation, j’ai commis un crime. Maintenant, mon personnage ne
pourra pas partir de l’univers durant huit heures, même si je quitte le jeu.
D’ailleurs, tu as vu la carte ? »
Je secouais la
tête, puis regardais la carte suivant le conseil de ma sœur. Il y avait juste
un minuscule cercle éclairé, affichant la zone découverte : la côte, nous
deux, et une immense masse noire représentant le territoire inconnu.
J’augmentais l’échelle, mais aucun autre marqueur ne s’afficha sur la carte.
Notre petit cercle rapetissait de plus en plus, jusqu’à ne former plus qu’un
point. Les mots qui s’affichaient n’indiquaient rien d’autre que :
Coordonnées
??????????
Région ????????
« Tu
vois, » la nymphe acquiesça devant la mine déconfite se dessinant sur mon
visage verdâtre. « On est au milieu de nulle part, et le seul lieu de
respawn se trouve sur l’épave de la galère, et je n’ai franchement pas envie
d’y remettre les pieds. Hélas, le temps sera nuageux aujourd’hui et l’obscurité
gagne du terrain. La nuit tombera avant qu’on ait le temps d’agir. Bientôt, le
simple fait d’être là sera dangereux. Mieux vaut ne pas traîner sur le rivage.
On doit partir d’ici. Avec un peu de chance, on pourrait trouver d’autres lieux
de respawn. Ce serait déjà moins craignos de mourir. On ne serait plus obligés
de s’évader une nouvelle fois de cette galère infecte. »
J’approuvais
Valerianna et je me remis en route, la Nymphe sylvestre sur mes talons. Nous
longeâmes la plage sablonneuse jusqu’à des buissons qui projetaient les
premières ombres de la forêt, lorsqu’un message apparut sous nos yeux :
Félicitations,
vous avez accompli la mission d’entraînement !
Bienvenue dans
Boundless
Realm !
Venez sur Amazon et prenez votre copie!
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